Ce sont deux visages de la médecine que l’actualité semble opposer l’un à l’autre. Celui du professeur des hôpitaux – que l’on ne connaît souvent qu’en photo ou en image -et celui du médecin de quartier, ou de campagne, que l’on va visiter parfois sans bon motif. Le premier est entouré d’une équipe de cerveaux et de petites mains. Le second exerce seul, en général, et a depuis longtemps dématérialisé sa secrétaire. L’un est la figure du progrès médical, l’autre est celle de la médecine de proximité. Les deux ont en commun de crier misère.
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Cette volonté de partager le progrès médical restera toutefois lettre morte si les pouvoirs publics ne parviennent pas à ressouder les deux extrémités du corps médical. Le mandarin et le toubib. Car, aussi grandes soient-elles, les avancées de l’art médical ont de sens pour autant qu’une partie significative de la population ne soit pas privée d’un accès facile à des soins de premier recours. Il n’y a pas de progrès médical sans médecine de proximité. Jean-Francis Pécresse – Les Echos – 30/03/2011
Aujourd’hui, la collecte, le stockage et le traitement de l’information ne coûtent presque plus rien : l’Etat doit prendre acte de ce fait. Les arguments fallacieux sur la dictature de la transparence masquent une divergence générationnelle fondamentale que l’affaire WikiLeaks a mise à nu. Ceux qui ont été élevés à l’ombre des médias traditionnels attendent une information hiérarchisée, filtrée et prédigérée. Les jeunes générations revendiquent le droit d’accès à l’information brute. La charge de la preuve va s’inverser progressivement : les secrets et leurs avocats sont en passe de devenir l’exception. Augustin Landier et David Thesmar – Les Echos – 23/03/11
Voilà pourquoi il faut parler de la “catastrophe de trop”. Savez-vous que “catastrophe” en grec signifie : retournement finale d’une stratégie ? Autrement dit point ultime où le destin se révèle complètement. Philippe Thureau-Dangin – Editorial – Courrier international – n°1063 p.7 – 17 mars 2011
Internet est désormais partout dans nos vies. Pour travailler, se distraire, échanger, s’informer, acheter ou même rencontrer l’âme soeur, il devient de plus en plus difficile de se passer du réseau des réseaux. Internet est partout… sauf dans les statistiques de la production, pour paraphraser l’économiste Robert Solow qui avait écrit il y a un quart de siècle que « vous pouvez voir l’ère de l’ordinateur partout sauf dans les statistiques de productivité ». […]La filière Internet n’est donc plus marginale. Elle pèse, selon ces calculs, davantage que l’énergie ou l’agriculture. Mais à vrai dire, la mesure ne donne qu’une idée partielle de la réalité. Jean-Marc Vittori – Les Echos – 9/3/2011
Silence de naissance ou silence de mort : d’un côté, la signifiance émerge du chaos sur fond de silence et, de l’autre, la vie se courbe et risque de se détruire autour d’un silence dévorant. Tout compte fait, je ne suis pas sûr que le bruit soit le matériau ultime de notre âme. Le sérieux du silence tisse, quant à lui, la soie tragique ou joyeuse de la naissance ou de l’effondrement du sens. Jacques Arenes – Les Etudes – p.382 – mars 2011
La facilité des transports transcontinentaux et l’appropriation de l’espace entier de la planète laissent croire que nous serions partout chez nous. Mais il ne suffit pas d’avoir l’esprit d’aventure et un sac à dos de routard pour devenir propriétaire du monde. Quand nos concitoyens voyagent, il leur faudrait savoir que l’on doit respecter les normes du pays visité. On ne se transporte pas dans le monde entier avec ses propres lois en bandoulière. Chantal Delsol – Le Figaro – 23/2/2011
Il serait également naïf de croire que le simple jeu de la concurrence suffira. La pression concurrentielle risque de ne pas être assez forte pour obliger des géants comme Facebook ou Google à modifier leurs pratiques pour séduire les internautes. Les start-up sont devenues des géants qui engrangent des dollars en monétisant les informations personnelles. Ils ne lâcheront pas volontairement la main sur des données aussi stratégiques. En défendant l’idée d’un droit à l’oubli numérique – un droit qui permettrait à chaque internaute de faire effacer ses traces – la France est peut-être idéaliste, mais elle a en tout cas le mérite de lancer un véritable débat. David Barroux – Les Echos 2010/10/14 –
Pour Crawford, il faut plus que jamais réconcilier le penser et le faire, les mains et la tête… au risque sinon d’une dégradation du travail et d’une érosion de la motivation. […] « La tête et les mains sont séparées intellectuellement, mais aussi socialement« , rappelle Sennett à regret. Et c’est bien dommage. Il est grand temps aujourd’hui de réconcilier le geste et la pensée. La Tête et mes mains – Catherine Halpern – Télérama n°3187 – Fév. 2011
Le diagnostic peut être considéré comme double : il a une face tournée vers le médecin, celle de son établissement par l’observation clinique et le raisonnement ; une face tournée vers le patient, celle de sa proclamation. Phillippe Barrier – La Blessure et la force – La maladie et la relation de soins à l’épreuve de l’auto-normativité – p. 111 – Ed. PUF – 2010
L’urgence, c’est la conjonction de deux phénomènes : le culte de la vitesse et le culte de l’instant.[…]
…aujourd’hui. Le cinéma : la durée de vie des films en salles diminue rapidement – le succès ou l’échec se jouent en moins d’un mois. L’information : sous l’effet des nouvelles technologies et de la concurrence, son contenu devient plus compact et elle est transmise de plus en plus souvent en temps réel. Les transports : le développement du TGV modifie notre rapport à l’espace – nous ne mesurons plus les distances en kilomètres mais en minutes. La santé : ce sont les services d’urgence qui se sont imposés comme le mode d’entrée normal à l’hôpital. Gilles Finchelstein – Introduction – La dictature de l’urgence – Ed. Fayard
Autre contrainte déstabilisante : le diktat de l’urgence s’est imposé dans le temps social. « Avant, celui-ci était rythmé par les saisons, rappelle le psychanalyste [Roland Gori]. Aujourd’hui, beaucoup semblent poussés par l’envie de brûler les étapes : ils vivent dans la précipitation, la suroccupation, se retrouvent à sortir tous les soirs, à multiplier les relations éphémères. » Ainsi le règne du non-durable en vient-il à colorer nos existences.
Or cette « sommation cumulative d’instants » que les médias notamment diffusent à profusion (cf. la culture du « scoop ») ne s’accorde pas avec nos besoins profonds d’élaboration psychique. Car on peut remarquer que toutes les grandes initiations dans nos vies : grandir, apprendre, aimer, éduquer, traverser un deuil par exemple demandent du temps. Pascale Senk – Le Figaro – 17/1/2011
User de son téléphone dans le train, écouter sa musique à fond dans la rue, c’est aussi ignorer aussi une frontière : « Il faut retrouver le silence de certains lieux, rétablir les limites entre public et privé, entre le bureau et la chambre à coucher du chef de l’Etat… La civilisation, c’est la séparation des domaines« , affirme Regis Debray. « Nous vivons une déstructuration généralisée favorisée par la technique et qui efface toute une série de limites, au nom d’une fausse liberté« , ajoute Michel Foucher. Les Frontières nous rapprochent-elles de l’autre ? – Hubert Prolongeau – Telerama N°3183 p. 33 -12/01/2011