Attention. La langue, même les cris les plus insensés, propagés devant eux, autour d’eux par les invasifs, deviennent eux-même invasifs. Il suffit de descendre encore les étages de l’échelle, au débarquement de tantôt : soldats, rats, puces, microbes, vivants de taille et de puissance encore plus ténues, puis en deçà de ces monocellulaires, sous la molécule, derrière l’atome… franchir alors la barrière du dur, entropique, et parvenir à l’information, que je viens de dire douce, aux appels, aux signes, au langage. Ils peuvent s’expanser de la même façon dans le temps et l’espace.
Ainsi les publicités, images et mots, ainsi les succès, les triomphes, les gloires, réussites expansives de toute farine, miment les épidémies, celles-ci causées par la reproduction de ces bêtes infimes, celles-là par les trompes de renommée, imprimerie, Toile, médias…. machine à fabriquer de l’invasion. L’horreur multiple des affiches, aux entrées des villes, reproduit, en laideur nauséeuse, les conflits cacophoniques déclarés par ces criards? Nos corps souffrent, en retour, des signaux qu’ainsi nous dispersons. Quoi d’étonnant, dès lors, si, par exemple, des restaurations à bouffe rapide, dont les logos et les cartons se propagent partout dans le mode, propagent des maladies comme l’obésité, où le corps, invasif à son tour, se propage par l’espace ?
Mais nous n’avons pas, non plus, à nous vanter d’avoir inventé l’invasif par le doux. Voici.
Michel Serre, Biogée, § Faune et Flore p.95-96 – Ed. Poche Le Pommier 2010 – 2013