(page 269 – La conscience affective – Ferdinand Alquié – Ed Vrin 1979.)
A-t-on assez remarqué que le mot impatience, qui devrait signifier, de façon générale, notre refus de subir un mal quelconque, ne désigne guère, dans le langage courant, que notre refus de subir ce mal particulier qu’est l’attente ? Ce que ne supporte pas l’impatience, c’est que dure le temps qui nous sépare de ce que nous désirons. * : propos sans rapport avec la chose en question (Ety. Alibi, ailleurs et forain, étranger).
Si on y remplace systématiquement les employés par des robots, en effet, ce n’est pas seulement parce que c’est moderne. La vraie raison, la voici, exposée sans détour par le sous-directeur : « Avant, les travailleurs suivaient les règles, mais les nouveaux ont trop d’idées. C’est probablement positif pour leur créativité, mais une usine a besoin de règles pour tourner. » Les robots, eux, n’ont pas « trop d’idées » et n’ont nul besoin d’exprimer leur « créativité », notamment pour obtenir des salaires et des conditions de travail plus décents. Alain Rémond – Le billet – p.28 – Journal La Croix – 4/11/2015
Afin de déterminer les mouvements d’opinion, en particulier lors d’une élection, les instituts de sondage ont de plus en plus recours à des algorithmes capables d’analyser les points de vue exprimés sur Internet, notamment sur les réseaux sociaux. Mais ces programmes sont confrontés à un problème de taille, constate The Washington Post :
ils sont incapables de saisir le second degré. “Le problème vient du fait que le sarcasme est en réalité plutôt sophistiqué, explique le quotidien américain. Dire (ou écrire) l’inverse du message que vous voulez diffuser est
ce que les linguistes nomment un discours implicite : c’est compliqué à repérer, en particulier sur Internet.” The Washington Post dans Courrier International « Ces algorithmes qui nous gouvernent » p. 46 n°1299 Septembre 2015
Pourquoi, depuis le début de vos travaux, la question du temps vous a-t-elle autant intéressé ?
Le temps m’intéresse d’abord parce que c’est le plus grand mystère. Personne ne l’a jamais compris. L’espace, on le comprend parce qu’il est réversible : on se promène dedans et on revient. Le temps, non. Il n’a qu’une seule direction. On ne revient pas. On ne peut pas le remonter.
En physique, on ne sait pas ce qu’est le temps. D’ailleurs, à l’heure actuelle, on sait qu’on ne pourra pas savoir ce que c’est. On ne peut même plus faire des horloges, on ne peut même plus définir la seconde. Depuis Einstein, on savait en théorie qu’on ne peut plus définir de temps commun à tout le monde.
Gérard Berry – Le grand entretien – Rue89-L’obs – 01/02/2015
Le développement des outils numériques engendre une mutation culturelle qui privilégie l’instantanéité, le réseau et le confort, au détriment de la réflexion, de l’écoute et de l’effort. Leur usage n’a de facile que le mode d’accès ou le mode d’emploi mais l’enjeu n’est pas de savoir les utiliser : il est de les maîtriser, c’est-à-dire de nous maîtriser. L’alternative serait l’esclavage confortable du « meilleur des mondes ». Thierry Aumonier, La Croix, Août 2015
Les sociétés humaines peuvent donc faire le choix du non-choix. Celui de la mise en oeuvre de ces techniques sans conscience ni débat. L’histoire, pourtant, nous montre que par le passé l’utilisation brutale des techniques n’a pas toujours permis l’épanouissement des nations. Dans ce cas, la réflexion préalable est non seulement nécessaire, mais impérative, tant il s’agit de définir quelles orientations nous souhaitons donner au projet humain. Gilles Babinet – Big Data, penser l’homme et le monde autrement – p.244 – Ed. Le Passeur – 2015
[…] Même chose pour la robotisation : quand un nouveau robot est lancé sur le marché, il doit être approuvé par des comités éthiques chargés de certifier qu’il ne fera pas de tort à l’usager, qu’il ne blessera pas d’enfants, etc. Mais que notre monde se robotise à tout-va, avec des conséquences anthropologiques profondes, voilà qui échappe à la réflexion commune. Et ainsi de suite. Les petites éthiques servent donc essentiellement à mettre de l’huile dans la machine… pour mieux assurer la pérennité de cette dernière ! On aboutit, potentiellement, à une situation dans laquelle, dans le parfait respect de l’éthique individuelle, se construit sous nos yeux, et avec notre consentement aveugle, un monde que nous ne souhaitons pas réellement. Où est le problème ? Dans l’absence criante d’une institution politique capable de répondre à cette question très simple : quelle société désirons-nous ? Mark Hunyadi – Entretien – Télérama 28/05/2015
Le FOSS (Free Open Source Software) a trois avantages: le premier est que le caractère libre de ses logiciels permet une plus grande compatibilité et la récupération des composantes individuelles, ce qui tend à réduire le gâchis généré par les compagnies privées qui passent leur temps à réinventer la roue pour un usage privé. Le deuxième, c’est que la disponibilité des composantes donne davantage d’opportunités pour les start-ups et pour les ingénieurs désargentés. Le troisième, c’est que le caractère ouvert du code permet à n’importe qui d’isoler et de traiter des problèmes ce qui, grâce à sa robustesse de plus en plus grande, est particulièrement important pour les composantes de sécurité.
…et de ses inconvénients
Mais comme la faille Heartbleed l’a montré, ce caractère ouvert ne signifie pas forcément qu’un problème va être trouvé et résolu. Il faut que les utilisateurs prennent du temps et en fassent l’effort. Aussi, il existe une tension réelle et persistante entre les compagnies et les tenants du FOSS – un mélange d’attirance répulsion parfaitement illustré par l’expérience récente de Werner Koch.
En travaillant en dehors du système industriel, Werner Koch a pu programmer son logiciel comme il le désirait, mais le manque de ressources a fini par menacer le projet GPG (GNU Privacy Guard). David Auerbach – Slate.fr – http://www.slate.fr/story/98575/open-source
Autre illusion, nous serions aujourd’hui des citoyens du monde pris dans un immense processus de mondialisation. C’est oublier que nous opérons à partir d’ordinateurs dotés d’une adresse IP, ou de smartphones toujours « géolocalisés ». L’information reçue et accessible est triée et fortement dépendante de la localisation et une même requête sur un même navigateur ne produit pas les mêmes réponses selon le lieu où elle est effectuée. Sans cette illusion de l’information, l’honnête homme s’aperçoit que les mêmes événements sont présentés de manière tellement différente selon les lieux, quel que soit le supposé accès universel et objectif à l’information.
[…]
Il existe d’autres illusions comme celles du « sans peine » ou du « tout gratuit » qui n’engagent que ceux qui y croient. Maurice Thévenet – Mutations et illusions – La Croix – 27/04/2015
C’est une question très sérieuse, et ce n’est pas un hasard si elle revient sur le devant de la scène. Ecrire l’histoire, ce n’est pas faire des phrases. Mieux vaut user de la métaphore cinématographique, et parler de l’écriture de l’histoire comme de l’écriture filmique, c’est à dire d’un art du montage, donc du rythme et du mouvement, une façon probe et efficace d’échafauder une intrigue. La question qu’un historien doit se poser à chaque instant lorsqu’il écrit est : où placer la caméra ? Faut-il faire voir des visages ou des paysages, être au plus près de l’événement tel qu’il fut vécu ou le survoler de haut, loin de l’expérience et de la conscience des acteurs ? Patrick Boucheron – Télérama n°3399 04/03/15 – … comment on écrit l’histoire ?
Il est important de résister à cette novlangue utilisée dans l’entreprise sur fond d’anglicismes incompréhensibles (time-sharing, benchmark et autres personal branding) qui ne fait, au fond, que marquer l’incohérence entre le discours tenu et la réalité. Un certain nombre de mes patients utilisent aussi les nouvelles technologies pour se réapproprier le sens des mots, que ce soit avec des blogs ou des écrits personnels. Cynthia Fleury – « Faire confiance à l’intelligence » – L’Express n°3320 p.50 18/2/2015
Le verbe est le roi de la phrase. Donner tout de suite le verbe (assertion ou négation annonçant ce qu’il énoncera ou dénoncera), c’est offrir mon roi carte sur table, m’exposer à être interrompu ; c’est aussitôt considérer l’interlocuteur dans ce double signe de l’estime et du droit : il est intelligent, il peut m’interrompre ; c’est admettre par conséquent l’opinion contraire, à égalité de droit, bref la language française présuppose l’interlocuteur comme égal et respectable, elle implique l’espace de la démocratie; Alain Borer – De quel ammour blessée – Réflexions sur la langue française – p.203 – Ed. Gallimard 2014
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