jeudi 7 janvier 2010
Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu’elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde se défasse. Héritière d’une histoire corrompue où se mêlent les révolutions déchues, les techniques devenues folles, les dieux morts et les idéologies exténuées, où de médiocres pouvoirs peuvent aujourd’hui tout détruire mais ne savent plus convaincre, où l’intelligence s’est abaissée jusqu’à se faire la servante de la haine et de l’oppression, cette génération a dû, en elle-même et autour d’elle, restaurer, à partir de ses seules négations, un peu de ce qui fait la dignité de vivre et de mourir. Devant un monde menacé de désintégration, où nos grands inquisiteurs risquent d’établir pour toujours les royaumes de la mort, elle sait qu’elle devrait, dans une sorte de course folle contre la montre, restaurer entre les nations une paix qui ne soit pas celle de la servitude, réconcilier à nouveau travail et culture, et refaire avec tous les hommes une arche d’alliance.
Albert Camus – Discours du prix Nobel de littérature 10 dec. 1957 et Discours de Suède, collection folio, éd. Gallimard, 1958 (1997 avec une postface de Carl Gustav Bjurström)
En découvrant cet extrait à l’occasion du téléfilm du mercredi 6 sur France 2, plusieurs images s’imposaient : L’inauguration de la tour de Dubai et ses 828 mètres. Le stock de Tamiflu en France qui serait de 30% du stock mondial (à mettre en perspective avec sa population qui est 1% de la population mondiale estimée à 6788 milliards au 1 octobre 2009) !! – idem pour les 10% de doses vaccin commandées pour la grippe A.
Tâches ou tâche ?
Commentaire by Michel — 7 janvier 2010 @ 9:15