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Contributions sur les systèmes d’information et le réseautage dans la Santé.
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Contributions sur les systèmes d’information et le réseautage dans la Santé.
publiées sur
https://www.idee-s.info

2 juillet 2006

Penser les réseaux (https://www.idee-s.info/39/penser-les-reseaux/)

Cet article est classé dans Analyses, Bibliographie, Fiches de lecture — Auteur/autrice :

CatalpaAvec une distance de sept ans, on trouve dans ce livre publié en 2001 (qui est la reprise du colloque « Penser les réseaux » organisé en 1999 par le CRATEIR) une approche tout azimut, toute discipline, mais très approfondie et croisée faisant découvrir des aspects insoupçonnés du réseau par des chercheurs d’horizons différents. Un éclairage indispensable pour les idée-s à venir !

Penser les réseaux – Sous la direction de Daniel Parrochia – Edition Champ Vallon – 2001

Ce livre publié en 2001 est la reprise du colloque « Penser les réseaux » organisé en 1999 par le CRATEIR (Centre de recherche et d’analyse sur la technique, l’épistémologie de l’information et des réseaux). Le directeur du livre Daniel Parrochia a réparti les 17 auteurs en 3 grandes parties:

1- De la cosmologie à la géographie: Le réseau dans tous ses états
2- L’idéologie des réseaux: critiques et jugements
3- Les réseaux: histoire et philosophie

On y trouve une approche tout azimut, toute discipline mais très approfondie et croisée faisant découvrir des aspects insoupçonnés du réseau pour un lecteur néophyte. En effet pour moi le réseau est né sous la forme du réseau de train miniature (qui tenait plutôt du circuit dans sa forme initiale) puis du réseau ferroviaire (comme une toile d’araignée centrée sur Paris) de la carte géographique à l’école élémentaire pour aller vers le réseau de professionnels de santé en passant par le réseau ethernet ou le réseau des réseaux: l’internet.
Je fais donc le choix difficile de ne citer que quelques uns des 17 auteurs pour les pistes de réflexions et d’idées qu’ils ouvrent ce jour.

Première partie
De la cosmologie à la géographie: Le réseau dans tous ses états

Les géographes et les réseaux de la communication électronique
Géographe, Henry Bakis introduit le néologisme géocyberespace pour qualifier et explorer l’espace géographique des réseaux électroniques de communication. En effet, le cyberespace couramment utilisé n’est pas opérant dans l’analyse par exemple d’internet et des sites où l’ancrage géographique est manifeste par les « proximités » toujours présentes. Ne parle-t-on pas d’ailleurs de « bassin » dans l’économie de la santé pour décrire les échanges entre PS et avec leurs patients autour d’une localité avec son hôpital et son université ou sa polyclinique ? D’ailleurs l’utilisation des TIC dans ce cas reste le plus souvent très local ou régional sauf dans des réseaux de compétence nationaux ou internationaux (concernant par exemple une spécialité médicale).

Deuxième partie
L’idéologie des réseaux: critiques et jugements

Le réseau: du concept initial aux technologies de l’esprit contemporaines.
Lucien Sfez qui est sociologue, commence son exposé ainsi: « Nous avons à faire, avec le réseau, à une figure à forte charge symbolique, une image prégnante, que nous trouvons utilisée à l’heure actuelle à peu près dans tous les champs disciplinaires et dans le langage courant. » Pour rendre compte de ce qu’est un réseau et de la fascination symbolique qu’il semble exercer sur la pensée, il va découper son propos en quatre grands chapîtres:
Une analyse notionnelle du filet de pêche au filet miraculeux d’internet avec sa pêche d’information,
Une description des objets techniques appelés réseau,
Une analyse des présupposés idéologiques,
et pour conclure une évaluation de la « pensée réseau » dans les outils intellectuels pour comprendre le monde d’aujourd’hui.
Ce parcours riche et plein de découverte aboutit sur l’introduction du néologisme « tautisme » qui englobe et met en garde sur les tentations liés à l’usage (et ses dérives) de la « pensée réseau ». En contractant “autisme” (la sidération qui rend aveugle sourd et muet), et “tautologie” (je répète donc je prouve, comme les sites ou les publications qui se citent les uns les autres jusqu’à créer une nouvelle vérité), il utilise ce terme pour attirer l’attention sur l’interactivité généralisée où, dans la confusion, peut s’intervertir l’homme et la machine.

Alain Gras : Phénoménologie des réseaux et anthropologie de la dépendance de l’homme moderne dans les macro-systèmes techniques.
Professeur de sociologie à la Sorbonne, l’auteur pose pour débuter une série de questions sur le mode d’être de l’homme contemporain comme celle-ci: « Lorsque le machine vient libérer l’homme des tâches manuelles, le même homme devient asservi comme jamais au travail. ». Il commence à s’interroger « ce qui est nouveau dans la modernité, c’est l’appellation, l’imaginaire qui se développe autour [du réseau], et l’inscription matérielle dans la réalité à travers une technologie appropriée ». Et aussitôt, il pointe que la mise en relation du réseau, il y a relation de pouvoir. Il conclut son exposé en montrant « les affinités qu’il y a entre la pensée des réseaux et ce qui forme la trame de la puissance sociale du virtuel informatique-télématique aujourd’hui ».

Troisième partie
Les réseaux: histoire et philosophie

Pierre Musso – Genèse et critique de la notion de réseau –
Tout au long des 24 pages enrichies de nombreuses références bibliographiques, l’auteur nous emmène dans le voyage de l’histoire (et des sens successifs) de la notion réseau qui « a pris la place de notions jadis dominantes, comme le système ou la structure ».
Ce voyage est rythmé par trois étapes:

La bio-métaphysique du réseau considéré comme technique du tissage (de la mythologie à Descarte),
La biologico-politique du réseau considéré comme technique autorégulée (marqué par le moment de la fusion de la rationalité de l’organisme et de la rationalité politique aux XVIIIe XIXe siècles.
La bio-écologie du réseau considéré comme technique auto-organisée dès la seconde partie du XXe siècle et l’arrivée des ordinateurs « cerveau artificiel ».

La dernière étape décrit le « réseau-cathédrale » en opposant la verticalité de la flèche à l’horizontalité prometteuse et terrestre du réseau. « Le réseau devenu le nouveau médiateur vers le paradis terrestre d’une société industrielle ou informationnelle pointe l’avenir ici-bas, et indique « l’entrée dans la société d’information et de communication » ». « De même que la cathédrale est l’incarnation du mystère, le réseau est présence du futur: il fait passer, en définissant notre place comme un passage. »
Il conclut ainsi le parcours par ces phrases sur la transformation sociale: « Ainsi le réseau est-il devenu la fin et le moyen pour penser et réaliser la transformation sociale, voire les révolutions de notre temps » … »Le réseau est passé du stade de percept à celui de concept, avant de s’imposer à nous comme précepte ».

Les derniers mots du livre par Frank Tinland (Interactions, réseaux, différentiations) sont « En un sens […] – chacun nous, donc – est un noeud participant à une multiplicité de réseaux et de processus de réticulation au sein desquels il est à la fois agent et patient. »

Avec ces nouveaux mots et le résultat de ces nouvelles explorations, dispose-t-on d’atouts pour mieux approcher, comprendre, explorer ce qui est et sera dans la Santé pas évoquée dans ce livre ? L’arrivée d’internet agit couramment comme une potion magique dans la Santé si l’on en croit beaucoup de publications et de communiqués officiels qui vantent les projets en cours ici ou là bas. Rares sont les travaux qui prennent la distance et sortent du « tautisme » ambiant. A force d’évoquer le virtuel ou le cyberespace, la Santé, vécue au quotidien par les professionnels de la Santé et les citoyens-patients, même avec les T.I. n’est-elle pas un rappel permanent par le corps touché dans la géographie et les pouvoirs (« geocyberspace ») que la remise en question est de tous les jours pour imaginer, maîtriser, penser les réseaux « concrètement ».

Michel S. 2 juillet 2006

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Un commentaire »
  1. Bonjour,

    Une référence qui intéressera peut-être certains lecteurs :

    Yannick Rumpala, « La connaissance et la praxis des réseaux comme projet politique », Raison publique, n° 7, 2007.
    Une version plus courte (« La connaissance et la pratique des réseaux comme projet politique ») est parue dans Nouvelles pratiques sociales, vol. 19, n° 2, Printemps 2007.

    Commentaire by Rumpala Yannick — 22 janvier 2008 @ 11:27

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