Des fichiers et des victimes : quelques mots sur ces maux. (https://www.idee-s.info/373/des-fichiers-et-des-victimes-quelques-mots-sur-ces-maux/)
Comment y voir plus clair face à la multiplication de ces fichiers qui seraient faits pour suivre/défendre les victimes mais en créent aussi ?
Alors que les médias surfent sur les accidents thérapeutiques, annoncé par un gros titre pleine largeur en page de couverture du JDD, un spécialiste annonce qu’il y aurait 10 000 victimes par an et qu’il demande la création d’un fichier national spécialisé.
Dans la même période, la CNIL met en évidence les dangers du fichier STIC (système de traitement des infractions constatées) et comment sa mauvaise gestion met en danger les personnes et comment déjà il a fait de nombreuses victimes.
Il me revient à l’esprit cette photo faite à une porchère de rue d’une sous-préfecture.
Une brève navigation sur internet nous propose aussi l’infirmère victimologue, des formateurs médiateur victimologue et j’en passe…
L’actualité récente nous rappelle sans cesse les victimes de la guerre, les victimes d’un tueur en série, des accidents de la route, les victimes du sang contaminé, de l’amiante, de l’hormone de croissance. On évoque aussi les victimes évitées du crash d’un avion grâce aux prouesses d’un pilote qui a su poser son avion sur la mer.
Depuis six mois, nombreuses sont les circonstances où les victimes vivantes ou leurs proches demandent la condamnation par la justice qui ne répond pas à leurs attentes et donc leur interdisent le deuil.
« S’il n’y a pas de coupable, la justice est réputée avoir dénié le droit au deuil. Mais un tel mélange de l’émotion et du droit ne peut que conduire à des déconvenues.
Plutôt que de verser de l’acide sur les plaies, les avocats des victimes devraient avoir le courage de leur expliquer que la fonction de la justice n’est pas de consoler les coeurs mais de dire le droit. » écrit Favilla dans son billet du journal Les Echos le 16/01/09
En replongeant dans l’excellent dictionnaire « Les trésors de la langue française », on note combien l’histoire du mot « victime » est ancienne et va chercher ses origines loin dans celle de l’humanité et particulièrement celles de ses dieux à qui était offert cette victime. Mais aujourd’hui où sont, et qui sont les dieux ?
Victime : Est-ce un état, un statut ? Est-ce temporaire, définitif ? Que dire du rescapé, traumatisé ? Cela ressort-il du psychologique, du juridique, du moral, du religieux ?
Dans les dictionnaires, non loin de la victimologie (Branche de la criminologie qui a pour objet l’étude de la personnalité et du statut psychosocial des victimes de crimes ou de délits. ou débriefing psychologique), il y a la « Victimisation » :
Attitude par laquelle un sujet se pose en victime, dans le but conscient ou inconscient de susciter chez autrui un sentiment de pitié ou même de culpabilité, et de se protéger ainsi contre toute accusation ou punition, tout en revendiquant indirectement la satisfaction de ses besoins matériels ou affectifs.
Comment y voir plus clair face à la multiplication de ces fichiers qui seraient faits pour suivre/défendre les victimes mais en créent aussi ?
Comment ouvrir ce cercle qui semble infernal ?
Deux ensembles de pistes semblent se dessiner :
– le premier de celles suggérées par la CNIL pour une meilleure définition et gestion des fichiers au quotidien.
– le deuxième ensemble cible tout ce qui tourne autour du sens que l’on choisit de donner au mot victime et de sa place au quotidien.
Une dernière piste : en replacant le mot souffrant par victime, j’ai paraphrasé ici un texte récent d’Agata Zielinski, « La compassion, de l’affection à l’action » :
Et s’il est bon parfois d’écrire des évidences, osons celle-ci: un être « victime » n’est pas que « victime »; il ne se réduit pas à sa souffrance. Le voir aussi dans sa capacité de désirer, peut-être de se réjouir, et de persévérer dans l’existence – même si c’est une capacité blessée – là est la responsabilité de la compassion.
MS 090131
« Pour rendre compte du double aspect, légitime et illégitime, public et presque furtif, du sacrifice rituel, » Hubert et Mauss, dans leur « Essai sur la nature et la fonction du sacrifice » invoquent le caractère sacré de la victime. « Il est criminel de tuer la victime parce qu’elle est sacrée… mais la victime ne serait pas sacrée si on ne la tuait pas. Il y a là un cercle qui recevra un peu plus tard et qui conserve de nos jours le nom sonore d’ambivalence« .
René Girard : « La violence et le sacré » à propos de la Victime émissaire.
« La victime n’est-elle pas toujours émissaire, parfois porteuse de sens inscrit sur la stèle mémorielle de l »Histoire.«
Commentaire by Gilbert — 18 février 2009 @ 18:54