Tous experts, tous journalistes (https://www.idee-s.info/31/tous-experts-tous-journalistes/)
L’observation des internautes ont conduit les auteurs à réinterroger les règles fondatrices de la création et de la diffusion de l’information…
L’analyse de Jean-François Fogel (consultant et écrivain), et Bruno Patino (directeur de la publication de Télérama et président du Monde interactif), basée sur leur expérience respective, a d’étonnantes lignes de connexion avec l’essai de Philippe Aigrain (« Cause commune », édition Fayard, 2005) – voir ici -. L’expérience du site lemonde.fr et l’observation des internautes ont conduit les auteurs à réinterroger les règles fondatrices de la création et de la diffusion de l’information. La montée en puissance, ces dernières années, des sites d’information sur Internet crée une véritable rupture avec le modèle classique du fonctionnement médiatique : tous les acteurs, gestionnaires, commerciaux, journalistes, se situaient jusqu’alors dans un rapport émetteur-récepteur. Et tout se construisait autour de cette réalité intangible. Cette réalité est totalement bouleversée sur Internet. Chaque récepteur peut, à tout moment et selon son désir, devenir émetteur. Aussi, chacun peut être source d’information (idée-s en est un parfait exemple). Les sites qui ont compris ce bouleversement ont mis en place les conditions d’une interactivité réelle. Ainsi, lemonde.fr permet à tout lecteur de réagir à un article et multiplie les modes d’accès à l’information et au débat. L’une des conséquences de cette nouvelle approche est de dépouiller le journaliste du privilège d’émission d’actualité. Il publie en permanence sous l’œil critique de spécialistes plus experts que lui sur le sujet qu’il aborde du sujet qu’il traite. Cela n’est pas nouveau. Mais ce qui l’est, c’est que les lecteurs-experts peuvent, dans l’instant, démentir, rectifier, compléter. En cela, Internet est le règne du spécialiste. Avec le risque de perdre toute vue et toute analyse transversale des situations.
« Une presse sans Gutenberg », Jean-François Fogel, Bruno Patino, Edition Grasset, 2005
Pour compléter cette note de lecture, voici quelques extraits de la revue Medium (n°6 – Daniel Bougnoux) à propos de ce livre:
« Dans l’ancienne presse, le lecteur affiliait son esprit à celui du journal ;sur le net, la limaille des infos s’organise selon le magnétisme de chaque lecture. En perdant leur tête ou leurs titres, les organes de la presse écrite voient leur corps dépecé et cannibalisé par ce nouveau métamédia qui n’organise pas syntaxiquement ses récits mais procède par accumulation et parataxe.
Cette fonction méta, mise en évidence par l’ouvrage, signifie traditionnellement un niveau plus abstrait, logique ou récapitulatif, un surplomb organisateur. Le journalisme prédateur d’Internet constitue un métamédia au sens où il prend son bien partout chez les autres ; sa tâche n’est pas de produire une information nouvelle, mais de rabattre, de concasser et formater toutes les infos partout disponibles sur des écrans bariolés aux couleurs splashy… »
Commentaire by Gilbert — 6 juin 2006 @ 14:28
Le journaliste doit-il changer ou doit-il être plus que jamais un journaliste même dans ce contexte mouvant ?
Face aux multiples présentoirs d’un kiosque à journaux et face à la diversité des titres (des contenus et des auteurs-journalistes), est-ce si différent de l’énorme potentialité de diversités des pages et contenus d’internet à la réserve près qu’aucun écran ne peut faire sentir, toucher et voir la richesse comme dans une boutique de presse.
Dans le champ de la Santé exploré par idée-s, j’ai rarement l’occasion de rencontrer l’analyse transversale, celle qui passe au travers des cloisements inter-spécialités ou institutionnels. On est plutôt en face d’une résonance du message émis par les attachés de presse des ministères, des caisses, des organismes sociaux, des institutions, des éditeurs, des associations,…. En somme, il ne s’agit que de notes qui résonnent alors que l’on attend plutôt la mise en musique, l’écriture sur une portée, une partition…
Dans ma province rurbaine, comme tout citoyen « branché » je dispose des informations délivrées ou piochées laborieusement sur le net et celles de la presse hebdomadaire et quotidienne par la voie postale ou leur site internet. Et combien de fois, j’aimerais trouver plus que le communiqué de presse car dans les faits dans la revue, le site, le blog, la feuille confidentielle, je ne retrouve que la citation à peine commentée comme un clone ou un avatar qui réfléchit la citation de la source par un autre…
Combien de fois je me suis mis à rêver et à avoir la possibilité d’envoyer sur le terrain l’enquêteur, l’envoyé spécial, l’investigateur, celui qui, par exemple, va ouvrir les pistes, traverser les cloisons, créer les liens et mettre en perspective.. Ainsi il m’expliquera dans un langage simple (après avoir traduit celui des experts) comment une loi s’est faite, soit passée au Sénat mi-août et aboutit deux ans après à un grand gachis démobilisant les acteurs de la région d’ici. Alors que dans le même temps dans le pays de là-bas tout un ensemble d’indices (organisation, objectif, budget, architecture, audit à mi-parcours…) m’invite à penser que ce pays de là-bas a réellement pris les choses en main en motivant tous les acteurs privés et publics, du citoyen patient au professionnel de santé en passant par les décideurs et les industriels… Son enquête me fera-t-elle voyager du cyber-espace au géo-cyberespace (voir Henry Bakis).
… il y a donc encore du pain sur la pl.. le bloc-notes…
Commentaire by Michel — 6 juin 2006 @ 16:01